SIMONE ET LE WHOLE SHEBANG… UNIQUE COMME LE TITRE!

Photo: Maxime Cormier

Texte: Annie Roy

C’était mardi soir qu’avait lieu la toute première présentation de la nouvelle création d’Eugénie Beaudry, Simone et le whole shebang, présentée jusqu’au 23 avril à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier. C’est la troisième création de la compagnie de théâtre le Laboratoire Théâtre. Mettant en scène Vincent Bilodeau, Louise Bombardier, Robin-Joël Cool et Eugénie Beaudry, la pièce nous transporte à Fort McMurray, où le monde réel est transcendé par le passé. On y fait la connaissance de Simone (Louise Bombardier), ancienne actrice de soixante-cinq ans qui souffre de trou de mémoire de plus en plus grand et persistant, et de Jessy White (Vincent Bilodeau), un vieux cowboy de soixante-dix ans, alcoolique, cinglant et peu charmant. Les deux protagonistes se rencontrent dans une résidence pour personnes âgées. Pour Jessy, la mort est sa seule porte de secours de cette résidence. Simone y a été placée par sa fille, Alice-Simone (Eugénie Beaudry) qui souhaite ramener sa mère proche d’elle dans l’Ouest canadien, malgré son absence des dernières années. En effet, la fille de Simone la force à quitter Montréal – ville où elle s’est créé une identité théâtrale bien unique – pour y être auprès d’elle puisqu’elle a des projets de bébés avec son amoureux Peter (Robin-Joël Cool). La pièce est entrecoupée par des moments de narration éclatés et originaux, ponctués par la musique (instruments sur scène) du jeune Jessy White (version jeune et frivole du vieux Jessy) qui tente de communiquer et parler de l’avenir avec lui-même, le vieux Jessy de soixante-dix ans. Dans le réel, on assiste à un vieil homme qui tente de trouver un moyen quelconque de mourir. Il entraînera dans sa quête funeste sa nouvelle amie, Simone.

Mise en scène par Jean-Simon Traversy, Simone et le whole shebang est décidément une pièce qui ne laisse pas indifférente. Autant le texte d’Eugénie Beaudry est fort et désobligeant, autant la mise en scène est audacieuse et originale. En effet, on rompt à l’occasion des conventions théâtrales scéniques pour créer de nouvelles dimensions, on fait jouer le passé avec le présent et on ne mâche surtout pas nos mots. Les dialogues sont vrais, crus, authentiques et uniques. C’est d’ailleurs avec plaisir que l’on entend l’accent acadien qui sort de la bouche de Jesse White. Par moment, il est même surprenant de savoir que le texte a été écrit par une femme de théâtre puisque les mots sortant de la bouche des acteurs masculins sont d’une authenticité désarmante. On ressent un côté masculin dans l’écriture, dans l’univers de la pièce en général. On peut facilement y imaginer l’odeur de vieux cigares et d’alcool. Je lève donc mon chapeau à cette auteure qui a su nous emmener dans son univers bien particulier, elle est sans l’ombre d’un doute un vrai talent brut. Le seul bémol se situe sur le plan de la mise en scène parfois imprécise. Il m’a fallu une dizaine de minutes pour comprendre que Robin-Joël Cool joue deux rôles: celui de Jessie White à trente-cinq ans et celui de Peter, le mari de Simon-Alice, qui est la fille de la vieille Simone. En effet, la mise en scène est ici un peu discutable et il aurait sans doute fallu trouver un moyen plus efficace pour présenter les parallèles spatiaux temporels. La pièce n’évolue donc pas toujours dans un univers réaliste, avec ses nombreux sauts dans le temps il est difficile de qualifier le type de pièce qu’est Simone et le whole shebang. «Ce n’est pas facile pour moi de qualifier ma pièce. Elle est éclatée et très spéciale! Je ne veux pas non plus me poser trop de questions sur la façon dont c’est présenté, il faut se laisser aller et plonger dans l’univers! La pièce se veut aussi une critique sociale sur le déracinement, la solitude, les désillusions de la vie et la perte de contrôle. Je me suis inspirée des dernières années pour écrire et créer Simone et le whole shebang. Cette pièce est ma troisième et elle est inspirée de ma première pièce où je présente pour la première fois le personnage de Jessy White. J’avais envie d’aller au bout de ce personnage, car je n’avais pas l’impression de l’avoir assez exploité. J’aime voir comment un personnage évolue dans la vie, ce qu’il devient.», raconte Eugénie Beaudry.

La pièce ne plaira sans doute pas à tout le monde, les adeptes de pièces profondes et intenses seront servis puisque l’oeuvre est loin d’être vide! On y retrouve des personnages meurtris par la vie, écorchés vifs et à bout de nerfs. Des gens malheureux et déracinés de tout. Ils sont forts, caractériels et n’ont rien de banal. La musique jouée sur scène par Robin-Joël Cool crée le ton unique et un peu western de la pièce. Louise Bombardier est parfaite et très authentique en vieille actrice déchue et Vincent Bilodeau rend très bien un vieil homme caractériel, soulon et grognon. C’est sans aucun doute une pièce quelque peu troublante qui fait réfléchir sur la condition humaine et surtout sur ce qui nous attend tous, la vieillesse et la mort.

Photos: Maxime Cormier