C’est devant un gigantesque buste sculpté à son effigie que les rideaux de la scène du Club Soda se sont ouverts jeudi dernier lors de la première médiatique de Modeste, le 6e one-man show du très populaire et souvent controversé, Mike Ward. Visiblement plus en paix avec la vie en cette période post-judiciaire, post-dépression et post-séparation, c’est un Mike Ward, résilient, fier et amoureux qui se présente devant un «Club Sold-out» sous un déluge d’applaudissements et de cris fanatiques, qui étouffent la voix de son présentateur et ami, Erich Preach, qui a d’ailleurs bien assuré sa première partie, tout comme à son dernier spectacle Noir. Fort d’un Centre Bell complet où il a présenté une édition spéciale de son légendaire podcast Sous Écoute et du même coup établi un record Guinness, l’humoriste semblait au meilleur de sa forme, porté par l’attitude désinvolte qu’on lui connait.
Bien qu’il aurait pu, dit-il, confier l’écriture de son spectacle à des auteurs ou mieux, «(…) à ChatGPT «, Mike se félicite d’entrée de jeu d’être l’unique créateur de ses textes, comme il le fait depuis ses débuts. D’ailleurs, le vétéran continue de repousser les limites de l’humour, naviguant habilement entre l’irrévérence et l’introspection comme lui seul sait le faire. Au moyen d’anecdotes, tantôt banales, tantôt extraordinaires, il construit la colonne vertébrale de son spectacle autour de sa réalité actuelle de quinquagénaire «riche en crisse» aux envies parfois démesurées, qui a «l’alcool heureux» et qui a récemment renoué avec l’amour. Il se réjouit que sa nouvelle flamme Bibi Benoît, productrice déléguée pour le Groupe Entourage et «ex» de Stéphane Rousseau, soit du même âge que lui car elle peut l’accepter malgré son humour douteux dit-il… » (…) Pour une fille de vingt ans, je suis juste Gérard Depardieu…» D’ailleurs l’artiste n’épargne aucun détail de sa vie amoureuse ET sexuelle (renouvelée grâce aux pilules bleues à mâcher pas très efficaces), de même que la dure séparation qui a précédé cette idylle, avec sa conjointe des 24 dernières années qui l’a «crissé là d’un commun accord«. Son célibat n’aura toutefois pas été teinté d’aventures et de frivolité, lui qui affirme ne pas avoir eu d’appel de sa libido suite à sa rupture et qui préférait vivre son deuil amoureux et sexuel en solitaire, sans même l’aide des sex-shops qui sont totalement inutiles aux hommes hétérosexuels cisgenres selon lui : «(…) les femmes ont 8 sortes de vibrateurs… (une femme interpellée en première rangée en avait 4…) et les hommes on peut juste acheter des troncs !»
Habile et à l’aise avec les obscénités, tel qu’on le connaît, il paraît cependant légèrement plus docile et moins provocateur que ce à quoi il a habitué son public fidèle. Bien qu’évidemment, et à son intention, certains punchs plus cinglants laissent la moitié de la salle dans un malaise palpable, ce n’est pas omniprésent dans son œuvre, comme c’était davantage le cas dans ses spectacles avant sa saga judiciaire. Certains auront une impression de déjà-vu sur certains thèmes abordés, il n’est pas question ici d’un Mike Ward 2,0, mais plutôt d’un Mike Ward fidèle à ses habitudes et misant sur ses forces distinctives dans le paysage de l’humour québécois, ce qui peut amener un peu de redondance à travers les années.
Toutefois, fort de sa victoire pour la liberté d’expression en Cour Suprême et de la popularité incroyable de ses podcasts, certains le redécouvriront par des anecdotes sur ses élans de grandeur en se ralliant derrière lui pour vivre ses trips de nouveau riche. Il raconte d’ailleurs un voyage de boys à Atlanta pour assister dans les premières rangées au combat d’Olivier Aubin Mercier, combattant d’arts martiaux mixtes et ami dont il est commanditaire, où il s’est aussi payé un jet privé qui lui a «couté le prix d’un p’tit Jérémy«. Il affirme lui-même «dépenser comme un innocent» comme c’est le cas avec son gros buste qui occupe la quasi-entièreté de la scène et les 25 mini-maisons qu’il avait fait construire pour des itinérants de Montréal mais que la ville avait refusées.
C’est à travers ces histoires d’impulsions démesurées qui le caractérisent depuis quelques années que le titre du spectacle prend tout son sens avec la plus grande auto-dérision, Modeste. Mike a d’ailleurs confié à Étienne Paré du Devoir que les titres de ses spectacles proviennent toujours de jokes et que celui-ci ni fait pas exception, l’humoriste ayant proposé à son équipe de présenter la première de son spectacle au Centre Bell, et d’engager le rappeur américain Snoop Dogg pour faire sa première partie… Rien de moins !
Somme toutes un bon spectacle pour qui sait apprécier le style de Mike Ward et qui ne s’attend pas à ressortir de la salle grandi ou chamboulé, il serait d’ailleurs surprenant que telle soit son intention… On y retrouve un Mike plus mature émotionnellement, assagi de ses expériences, mais pas moins «Haïssable», irrévérencieux ou efficace.
Le spectacle Modeste affiche complet pour la quasi-totalité de 2024, quelques billets sont toutefois encore disponibles à Brossard, Saint-Eustache, Trois-Rivières et Québec. La tournée se poursuivra jusqu’en novembre 2025 et les billets sont en vente au Mikeward.ca