Un TARTUFFE de Molière… Audacieux!

Photo: Courtoisie du TNM - © Yves Renaud 2016

Le Théâtre du Nouveau Monde est bien connu dans le milieu théâtral pour la qualité de ses productions principalement tirées des oeuvres du répertoire classique. Cette saison, il nous offre une relecture du Tartuffe de Molière. Les puristes de comédies françaises seront sans doute irrités d’apprendre que Denis Marleau a décidé de faire vivre les personnages de Tartuffe en pleine Révolution tranquille, en 1969 au Québec. En revanche, les curieux comme moi iront d’emblée assister à la représentation pour voir ce qu’il en est, et il ne seront pas déçus! Certes, ce n’est certainement pas la meilleure pièce que le TNM ait pu produire. Ceci étant dit, elle est originale par ses choix de mise en scène audacieuse. L’audace se situe principalement dans le choix du contexte social et non dans la mise en scène elle-même, qui selon moi est tout à fait banale. Elle n’est ni innovatrice, ni surprenante. Cependant, est-ce qu’il faut toujours chercher à épater et à renouveler tout? Certainement pas. Du coup, Marleau réussi son mandat puisque nous nous laissons facilement embarquer dans son univers.

Photo: Courtoisie du TNM - © Yves Renaud 2016
Photo: Courtoisie du TNM – © Yves Renaud 2016

Dans cette pièce créée en 1669, Molière raconte l’histoire d’un animateur de pastorale qui s’incruste au sein d’une famille en les manipulant sur le plan spirituel, dans le but de les déposséder de leurs biens et de les mettre à la rue. Cet imposteur use de charmes et de manipulations magnifiquement orchestrés de sorte que le propriétaire de la demeure, à la foi père de famille et mari, se plie à tout ses caprices. Tartuffe (interprété par Emmanuel Schwartz) parvient donc à devenir le directeur de conscience du pauvre homme (Orgon, interprété par Benoît Brière). Tous les personnages finissent par démasquer le traître, sauf Orgon, qui lui, passe la majeure partie de la pièce à le vénérer malgré toutes les tentatives utilisées par ses proches. Dans cette pièce de Molière, on aborde plusieurs thèmes, mais la fausse dévotion(et donc l’hypocrisie) est au coeur de l’oeuvre. Avec un arrière-plan des années 70 au Québec, cela prend tout son sens! On voit la dichotomie entre les croyants religieux et les libertins qui commencent à vouloir s’affranchir de la religion. On assiste au clash des années 60 où les gens étaient pris dans l’étau de la société patriarcale et religieuse en opposition aux années 70 plutôt libertines où chacun voulait être son propre chef. En somme, on peut classer Tartuffe dans la lignée des autres pièces de Molière, L’Avare, Les Précieuses ridicules, Le Bourgeois gentilhomme, Le Misanthrope ou l’Atrabilaire amoureux ou Don Juan, qui représentent toutes et ridiculisent un vice (comédie de caractère).

Photo: Courtoisie du TNM - © Yves Renaud 2016
Photo: Courtoisie du TNM – © Yves Renaud 2016

Quelques faits sont étranges dans le choix de mise en scène et il faut être ouvert pour accepter les travers de l’adaptation théâtrale proposée par Marleau. En effet, l’histoire se passe au Québec, joué avec un accent bien français (en effet, les alexandrins ne peuvent pas se réciter autrement!) et avec un texte qui parle de prince et de gentilhomme. Le tout ayant comme arrière-plan la Révolution tranquille qui marque la sortie de la religion vers le libertinage versus les dictatures traditionalistes, Tartuffe est effectivement une pièce qui peut s’adapter dans ces années sans que cela devienne totalement étrange. Le choix de Denis Marleau est donc audacieux, mais réussi dans l’ensemble. Le clash des mœurs des années 70 et de la libération sexuelle contraste bien avec les idées encore conservatrices de certains personnages. On l’observe bien avec le père qui souhaite ardemment que sa fille se marie avec un homme qu’il aura lui-même choisi, en l’occurrence Tartuffe. En somme, le flash est brillant et efficace. C’est réussi!

Photo: Courtoisie du TNM - © Yves Renaud 2016
Photo: Courtoisie du TNM – © Yves Renaud 2016

Pour ce qui est des acteurs, ils sont toujours à la hauteur des attentes que nous nous faisons lorsque nous décidons d’aller voir une création du Théâtre du Nouveau Monde. Ils sont impeccables. Cependant, une actrice se démarque de tout le monde et elle porte le nom de Violette Chauveau. Cette femme est non seulement incroyable sur scène, mais elle maîtrise l’art de la comédie. Cette fine ligne toute mince qu’il faut suivre pour ne pas sonner faux, cet étroit corridor de nuances de jeu d’acteur où l’on doit s’aventurer sans faire de faux pas qui pourraient tout bousiller, elle les connaît et les possède à la perfection. Les autres acteurs sont évidemment très efficaces et Benoît Brière est, encore une fois, un excellent interprète classique. Il n’en est pas à ses premières planches de théâtre et cela transparaît. Emmanuel Schwartz est aussi intéressant dans son rôle de Tartuffe qui rappel clairement Jésus Christ. Nul doute, il est un talent à découvrir ou à redécouvrir! Anne-Marie Cadieux est intéressante à voir, bien que son jeu soit discutable. Quelques acteurs auraient pu ne pas être là et cela n’aurait pas changé l’histoire d’une manière drastique, je pense surtout au personnage d‘Annie Éthier, qui semble faire office de potiche et qui ne sert pas l’histoire. Peut-être aurait-il été intéressant de la voir s’animer d’une différente manière. Ceci étant dit, on ressort du théâtre heureux, comblé par une belle création, encore fois réussie par le TNM. Si vous voulez passer une belle soirée en bonne compagnie, venez voir Tartuffe!

Photo: Courtoisie du TNM - © Yves Renaud 2016
Photo: Courtoisie du TNM – © Yves Renaud 2016

Texte MOLIÈRE
mise en scène DENIS MARLEAU
en collaboration avec UBU compagnie de création

Distribution CARL BÉCHARD, BENOÎT BRIÈRE, ANNE-MARIE CADIEUX,VIOLETTE CHAUVEAU, NICOLAS DIONNE-SIMARD, ANNIE ÉTHIER,MAXIME GENOIS, RACHEL GRATON, DENIS LAVALOU, BRUNO MARCIL,MONIQUE MILLER, JÉRÔME MINIÈRE, EMMANUEL SCHWARTZ

Durée du spectacle
2 H 35 INCLUANT UN ENTRACTE

Présentée jusqu’au 22 octobre 2016.

Photo: Courtoisie du TNM - © Yves Renaud 2016
Photo: Courtoisie du TNM – © Yves Renaud 2016