Oui! Encore une fois…

Guylaine Tremblay

Avouons-le, l’oeuvre de Michel Tremblay est colossale! Je ne connais pas beaucoup de gens qui peuvent se targuer d’avoir assisté à toutes les pièces de théâtre (et de théâtre musical) du grand écrivain québécois Michel Tremblay. Les fervents amateurs du genre ont sans doute parcouru tout le Québec pour voir toutes ses pièces montées à ce jour! Il est évident que la réputation de l’homme n’est plus à faire. Lorsqu’on apprend qu’une oeuvre de Tremblay sera rejouée sur scène, on ne peut s’empêcher d’y accorder un succès assuré. Bien entendu, toutes les distributions ne gagnent pas de trophée et certaines passent aux oubliettes. Indubitablement, Tremblay est un gage de succès. Tout a été écrit sur cet auteur mythique et toujours bien vivant, et ce n’est pas ce soir que je vais réinventer la roue.

Hier soir avait donc lieu au Théâtre Jean-Duceppe de la Place des Arts la première médiatique de ENCORE UNE FOIS SI VOUS PERMETTEZ. Tout d’abord, je ne peux passer sous silence l’abondance d’artistes présents à cette soirée. Le tapis rouge était électrique! Nous n’attendions pas autant de gens du milieu, la liste ne semblait pas si longue et les surprises abondaient de part et d’autre. À droite une Jeanette Bertrand toute souriante, à gauche une Janine Sutto bien en forme, des membres de l’ancienne distribution montée par le Théâtre les gens d’en bas en 2002, Louison Danis et Daniel Simard, et une centaine d’autres personnes marquantes dans le milieu culturel. La liste était bien longue! C’est en soi un bonheur de vivre ce moment magique et aussi très sensible, puisque les hommages à Rita Lafontaine ne tarissaient pas sur le tapis. D’ailleurs on a tenu à souligner tout juste avant le début de la pièce que l’on dédiait cette soirée à madame Rita Lafontaine et Marcel Dubé.

La famille de Guylaine Tremblay sur le tapis rouge

L’histoire de ENCORE UNE FOIS, SI VOUS PERMETTEZ n’est pas complexe. Un enfant revoit sa mère, désire revoir sa mère et il rêve qu’encore une fois il la voit. Le personnage de l’homme est cambré dans un monde réel, il a un certain âge et relate des moments de son existence avec sa mère qu’il a perdue trop jeune. Il converse donc avec le fantôme de sa mère, une femme colorée et excentrique nommée Nana. L’auteur précise qu’il est bien question de lui dans la pièce. Ayant perdu sa mère trop tôt, Michel Tremblay a voulu écrire une pièce pour se remémorer la femme de sa vie. Femme qui prend énormément de place dans l’oeuvre de Tremblay (Les Belles-soeurs, Albertine en cinq-temps, À toi, pour toujours, ta Marie-Lou, etc.) Pour jouer du Tremblay, et surtout interpréter le rôle colossal de Nana, il faut être solide et bien armé. C’est pourquoi on a fait appel à Guylaine Tremblay (Nana) et Henri Chassé (l’enfant). Le texte quant à lui est d’une humanité touchante et intelligente. L’humour y est présent en tout temps ou presque et toute personne ayant lu la pièce peut s’entendre sur le fait que ces personnages prennent toute leur couleur et leur réel sens en étant animés par des acteurs chevronnés et justes. En effet, jouer le personnage de Nana devrait être un sport aux Jeux olympiques! Il n’y a jamais de temps mort, cette femme est un feu roulant d’anecdotes rocambolesques et d’intensité.

La colorée Louison Danis sur le tapis rouge

Ayant vu les 3 distributions les plus connues qui ont dépeint cette oeuvre sensible et touchante au théâtre, il m’était difficile de ne pas comparer les trois Nana créées à ce jour. La regrettée Rita Lafontaine fut la première à interpréter ce rôle, elle l’a créé en 1998 dans une mise en scène d’André Brassard. Par la suite, la colorée Louison Danis est venue lui donner une petite touche de folie supplémentaire, un côté flamboyant et profond à la fois. Aujourd’hui, Guylaine Tremblay nous la présente d’une autre manière, peut-être plus posée (la question se pose) malgré toute sa folie et son intarissable verve! Toujours bien rendu dans un joual qu’on connait bien, Nana est encore bien intense et raconte toujours ses histoires comme si elle était branchée sur le 220! Toujours aussi drôle et anecdotique, Nana est un personnage qui à ce jour a toujours été bien joué au théâtre. Comme nous avons de bons acteurs au Québec! Guylaine Tremblay est bien en contrôle de son personnage plus grand que nature et semble à l’aise sur scène. Son acolyte semble cependant être un peu «accessoire» et ne démontre pas beaucoup d’émotions et de connivence avec sa partenaire. Est-ce que la mise en scène de Michel Poirier est faite et construite ainsi? Je reste mitigée sur le sujet. J’avoue préférer la chimie qui opérait entre Danis et Simard au détriment de cette nouvelle distribution. Peut-être était-ce causé par la grande amitié qui liait les deux acteurs? Dans tous les cas la chimie passait beaucoup mieux et la connivence se faisait palpable de la première à la dernière rangée des théâtres.

Pour cette création de 2016, on a relevé le défi de dimension! En effet, la salle étant gigantesque, il fallait arriver à créer un décor intimiste dans un grand espace. La pièce ayant seulement deux personnages, il fallait à tout prix donner l’illusion d’intimité et cela a bien été réussi à mon humble avis. La majeure partie de la pièce se déroule sur une immense passerelle qui représente le plancher d’une cuisine arborant des carreaux noirs et blancs rappelant le côté binaire de la pièce. La passerelle est supportée par des centaines de livres amassés les uns sur les autres, représentation de toutes les histoires racontées par la mère. Malgré un décor réussi, on aimerait toujours mieux assister à ce type de pièce dans un petit espace afin d’observer et d’admirer le jeu des acteurs. Quoi qu’il en soit, le tout est plutôt réussi malgré le manque de justesse émotionnelle vers la fin de la pièce. On assiste aux premières représentations et on peut imaginer que la finale s’ajustera au fil du temps.

Somme toute, ENCORE UNE FOIS, SI VOUS PERMETTEZ est l’une des oeuvres théâtrales de Michel Tremblay qui ne passent pas aux oubliettes! Elle est touchante, intelligente, drôle et d’une sincérité désarmante. À voir absolument pour la première fois, ou encore une fois, si vous permettez!

 

ENCORE UNE FOIS, SI VOUS PERMETTEZ

Théâtre Jean-Duceppe de la Place des Arts

Présenté du 6 avril au 14 mai 2016

Pour les achats de billets:

http://duceppe.com/piece/encore-une-fois-si-vous-permettez